Regards d'un avocat français sur la franchise au Québec
Entretien avec Maître Alain COHEN-BOULAKIA,
Avocat à la Cour,
Membre du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise,
Membre du CQF (Conseil Québécois de la Franchise).
www.juripole-avocats.fr
contact@juripole-avocats.fr
OCCASION FRANCHISE : Pouvez-vous nous présenter le Cabinet JURIPOLE-AVOCATS ?
Alain COHEN-BOULAKIA :
Le Cabinet JURIPOLE-AVOCATS existe depuis 1986. Le Cabinet est installé dans le Sud de la France (MONTPELLIER, MARSEILLE…)
Il exerce son activité sur l’ensemble du territoire national dans la mesure où il s’agit d’un Cabinet « de niche », à taille humaine (5 Avocats Associés, 5 Avocats Collaborateurs).
L’activité du Cabinet est orientée vers l’immobilier et vers le conseil aux réseaux de distribution (franchise, concessions…).
Nos clients attendent de nous un conseil adapté à leur métier et une approche « transversale » des différentes problématiques, englobant, par exemple, le droit de la distribution mais aussi le droit des nouvelles technologies, le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la consommation, le droit du travail…
Lorsqu’il s’agit, par exemple, de déterminer si un contrat de franchise ne peut pas être requalifié en contrat de travail, une compétence est exigée en droit de la distribution, mais aussi en droit du travail…
L’ouverture d’un site marchand, par un franchiseur, nécessite non seulement une approche stratégique, mais encore, sur le plan juridique, des compétences en matière de droit de la distribution, mais également en droit des nouvelles technologies.
C’est « l’ADN » de notre Cabinet.
Depuis plusieurs années, à présent, JURIPOLE – AVOCATS s’est tourné vers le Québec, à la demande de franchiseurs québécois envisageant de s’installer en France. Mais aussi – et la demande est très forte à ce niveau ! – nous sommes sollicités par des français, anciens franchisés, qui souhaitent s’installer au Québec, pour y ouvrir une franchise ; ils se rapprochent de franchiseurs canadiens.
Il est évident qu’en ce cas nous travaillons en relation avec des Confrères québécois.
Nous sommes également amenés à conseiller nos clients français franchiseurs, toujours en relation avec nos clients québécois, qui s’implantent au Québec. Ils ne seront pas, pour l’instant, nombreux, mais l’intérêt pour ce marché est grandissant.
Vous venez souvent à Montréal ? Vous collaborez avec le CQF ? Quel est votre avis sur la franchise au Québec et pouvez-vous souligner les différences qui existent avec la France ?
Je ne porterai qu’un regard de juriste sur cette question...
Le droit français est très « impacté » par les dispositions contenues dans le Code du Commerce qui impose la remise d’un document d’information précontractuelle à tout candidat qui envisage de rejoindre un réseau de franchise (« loi Doubin »).
Cette réglementation n’existe pas au Québec.
Nous avons également un droit de la concurrence très intrusif qui limite la liberté du franchiseur, notamment au niveau de l’approvisionnement exclusif des prix de revente…
La question de la « requalification » d’un contrat de franchise en droit du travail « agite également beaucoup » les juristes français…
Ce qui est fondamental en droit français, c’est que le franchisé est « propriétaire de son fonds de commerce », et que cette propriété transcende la relation franchiseur / franchisé, beaucoup plus qu’au Québec.
Le franchisé est un commerçant indépendant et cette indépendance est considérée comme sacrée…
Votre droit, bien que ses fondements (droit civil) se rapprochent du nôtre, prend davantage en considération un pragmatisme que les français ont tendance à oublier.
C’est ce pragmatisme que j’apprécie tout particulièrement, au travers de mes contacts, avec la clientèle québécoise, mais également avec les conseils en franchise, Avocats… que j’ai pu rencontrer, notamment au CQF (Conseil Québécois de la Franchise).
J’ai la chance de faire partie, à la fois, du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise et du CQF.
Les échanges avec les professionnels de l’accompagnement des franchiseurs et franchisés, tant au Québec, qu’en France, sont excessivement enrichissants.
Que doit faire un franchiseur québécois pour s’installer en France ?
Lorsqu’un franchiseur français décide de s’installer au Québec, je lui conseille, en premier lieu, de faire preuve d’humilité, et de ne pas tenter de « transposer » le modèle français au Québec, tant sur le plan économique, commercial, financier que juridique.
Il en est de même en ce qui concerne un franchiseur québécois qui envisage de s’installer en France.
Sur le plan juridique, le franchiseur québécois devra se poser les questions suivantes :
- Sur le plan structurel, faut-il créer une filiale en France ?
- S’il est fait choix d’une master franchise, le contrat de master franchise doit-il être soumis au droit québécois ou au droit français ?
- Quand et comment rédiger le document d’information précontractuelle (DIP) qui a vocation à exister, même dans le cas d’une master franchise qui ne serait pas soumise au droit français (?) ?
- Identifier les quatre fondamentaux de la franchise en droit français : l’utilisation des signes distinctifs (marque…), d’un savoir-faire (très important en droit français !), la mise à disposition d’une collection de produits ou de services (conditions d’approvisionnement, exclusivité…) et mise en place d’une assistance pendant l’exécution du contrat.
Pour ma part, je ne suis pas un grand défenseur des masters franchise…
Certes, l’éloignement conduit à faire choix d’un master franchisé, mais il faut y réfléchir à deux fois…
N’est-il pas préférable, dans un premier temps, d’identifier un « franchisé pilote » et de contracter avec lui ? Quitte à ce que celui-ci, ultérieurement, tisse d’autres liens contractuels avec le franchiseur canadien ?
Ce sont toutes ces questions que le franchiseur québécois doit se poser.
On en revient, toutefois, toujours à la même question : trouver le bon partenaire ! et s’entourer de bons conseils…
SOURCE: Occasion Franchise